Innovation et créativité

L’innovation apparait dans le contexte du processus créatif, qui se met en place dans un environnement permettant de rester réceptif aux stimuli extérieurs pour créer une sorte de caisse de résonance dans laquelle l’éclosion des idées nouvelles sera favorisée. Ce processus créatif d’innovation s’étend généralement sur une période assez longue, dans laquelle les acteurs doivent apprendre à gérer les doutes pour acquérir de l’endurance et attendre le moment déclencheur, celui qui permettra de saisir une opportunité qui engendrera le signal de départ. Le contexte de la mise en œuvre de ce processus est souvent primordial : que ce soit dans un laboratoire, un incubateur ou un studio d’enregistrement, chaque espace de travail engendre ses propres cérémonials et rituels. Le processus créatif de rupture nécessite certaines conditions de mise en œuvre. Tout d’abord, un certain degré de compréhension du sujet et de ses déclinaisons, ce que l’on pourrait traduire par la connaissance de l’état de l’art, car c’est souvent contre l’ordre établi que se positionne l’innovation. Le second pré-requis peut être une connaissance des méthodes et des techniques en vigueur dans la sphère de pratique. Le processus pourra alors laisser le pouvoir à l’imagination, par la création d’images, l’utilisation de symboles ou de métaphores, de manière à créer un nouveau terrain de jeu.

Le processus d’innovation a souvent été décrit a posteriori car il est la résultante parfois heureuse ou inattendue du processus créatif. Il suit une progression temporelle dont la trajectoire est segmentée en moments-clés qui se succèdent. Le processus d’innovation est fait d’interdépendances et sa gestation est souvent sociale : il subit invariablement des influences, des contraintes et des partis-pris entraînant des réflexes de mimétisme. Il est également perpétuellement soumis à la négociation, car le processus d’innovation est un processus collectif. Une seule personne peut promouvoir une idée, mais elle va rapidement s’entourer de quelques individus partageant les mêmes convictions et les mêmes aspirations. L’innovation engage et concerne de facto une multitude d’acteurs : une nouveauté doit être adoptée en dehors du groupe qui l’a échafaudée pour être qualifiée d’innovation. Tout au long du processus, les acteurs jouant un rôle majeur peuvent être amenés à changer.

Le processus d’innovation

L’innovation est un processus vertueux. Quand il a cours, une dynamique positive s’enclenche, un enthousiasme particulier nait qui conduit à l’adaptation d’une nouveauté en des usages originaux. Il se produit alors une rencontre fructueuse entre un ensemble social et une entité innovante. Le processus d’innovation n’est donc pas automatique ni mécanique, mais procède plutôt d’un ajustement voire d’une alchimie particulière. C’est un processus contingent, souvent imprévisible, et qui n’est pas exempt de surprises, générant des découvertes par sérendipité, ce phénomène générateur d’innovation due au hasard. Le processus d’innovation se retrouve alors pris dans des interactions, qui vont contribuer à remettre en cause des positions acquises, des rentes de monopoles, des prérogatives ou des intérêts. Il est traversé d’oppositions, de débats contradictoires, et il génère des conflits. Puis, à un moment, l’innovation se stabilise dans son contenu et dans ses usages. Certains critères vont contribuer à délimiter le périmètre des innovations, notamment lorsque l’idée doit donner lieu à la production d’un prototype, d’un artéfact ou d’un dispositif après une plus ou moins longue série de transformations. Cette phase se matérialise par la mise sur le marché d’un produit ou d’un service, avec l’intégration de la nouveauté dans la production. Le succès commercial pourra alors légitimer l’emploi du qualificatif « innovant », renforçant les liens entre l’innovation et le marché. Pour le sociologue Michel Callon, « l’innovation est indissociable de l’activité marchande, puisque celle-ci consiste en l’instauration de transactions bilatérales et que toute transaction réussie suppose sa singularisation, c’est-à-dire une qualification spécifique, aussi ténue soit-elle, du bien vendu et acheté ».

A suivre…

Extrait de « Parfois ça dégénère », Marc Alvarado, Ed. Bookelis, 2020.