La quatrième particularité du management en secteur culturel est la permanence du conflit, tout au long de la chaîne de création de valeur. Des objectifs communs, certes, mais souvent des visions opposées dans la mise en œuvre par les différents acteurs du projet culturel.

La permanence de décisions conflictuelles

Selon Keith Negus, il y a deux grandes sources de tensions qui viennent perturber le processus du développement artistique. Tout d’abord, les différents qui émergent  des relations personnelles et affectives existantes entre les artistes et les employés des sociétés de production. Ensuite, les oppositions qui peuvent se créer entre les différentes divisions au sein même de l’industrie culturelle. Les artistes peuvent parfois avoir de bonnes raisons de rejeter les conseils de leur direction artistique. Selon la perspective des artistes et de leur management, le travail de la direction artistique peut ne pas apparaitre comme un catalyseur motivant, apportant des critiques constructives et contribuant à enrichir les idées créatives. Les directions artistiques sont par exemple au sein de l’industrie musicale, les collaborateurs les plus méprisés par les artistes et leurs managers qui les critiquent continuellement pour intervenir sans cesse et créer des conflits plutôt que coordonner et contribuer à la réalisation du travail de création.

En prenant un certain nombre de décisions, les gestionnaires sont évidemment enclins à créer des tensions avec les artistes qu’ils produisent, que le producteur doit être capable de manager, pour conserver son équipe dans une dynamique positive au sein de ce qui peut se révéler être un processus extrêmement fastidieux et risqué. La dynamique du succès commercial se traduit par une lutte des artistes pour obtenir toujours plus d’autonomie. Les artistes confirmés essaient d’établir une position qui leur évite d’avoir à passer par les recommandations du personnel de leur maison de production et les fourches caudines de la direction artistique. Les artistes souhaitent se libérer des considérations « commerciales » pour se concentrer sur leur « art », en ayant déjà prouvé leur capacité « commerciale » grâce au succès rencontré précédemment.

La tension entre le commerce et la créativité dans l’industrie culturelle n’est pas un conflit abstrait ni figé, mais fait l’objet d’une constante négociation et d’une intégration progressive dans les pratiques professionnelles. L’impératif succès commercial nécessite un marché, mais ce marché n’est pas défini à l’avance, n’est pas toujours existant, il doit parfois être créé. Il se met en place au fur et à mesure du développement de l’artiste. Les controverses sur l’aliénation des artistes engagés dans des espaces commerciaux ont souvent été l’occasion de dénoncer l’incompatibilité entre la recherche d’une qualité purement artistique et cet engagement. L’authenticité artistique est une propriété doublement relationnelle, liée aux interactions de l’artiste avec son univers social d’origine et à celles qu’il noue avec les professionnels de l’industrie culturelle.

Marc Alvarado

Alvarado Marc : « Parfois ça dégénère », Bookelis / Stoymag, 2020.

Negus Keith : « Producing pop : culture and conflict in the popular music industry », Edward Arnold, 1992.