Au départ la culture
Vers 2005, j’ai commencé à m’interroger sur les fondements du management culturel dans le cadre de l’ouverture d’un cours à l’EMLYON intitulé « Management de projet culturel » dont j’assure la direction pédagogique. Jusqu’alors, mon expérience professionnelle dans les milieux culturels avait été très diverse : chef de produit dans la musique, producteur multimédia, créateur d’un portail web dédié à la création numérique, gestionnaire d’une salle de concerts ou encore producteur audiovisuel. Dans tous ces métiers et tous ces domaines d’expression existaient de nombreux points communs : la structuration de la chaîne de création de valeur, la gestion des artistes, l’incertitude quant aux résultats.
De toutes ces observations, j’ai tiré une approche de gestion de projet adaptée aux industries culturelles, que j’enseigne et enrichit dans divers établissements supérieurs.
Puis vient l’innovation
Au fil de ce parcours introspectif, je me suis posé la question de l’apport de cette vision dans le monde du management au sens large. Apprendre à gérer l’incertitude et canaliser la création artistique est une constante chez le manager culturel, mais ces caractéristiques ne peuvent-elles pas entrer en résonnance avec ce que vit notre société : ruptures technologiques, ruptures dans les usages, ruptures dans les comportements ? Joseph Schumpeter, au siècle dernier, a décrit ce phénomène, qu’il nomme « la destruction créatrice » : une innovation bouleverse la donne, créé une rupture avec l’ordre établi, instaure le chaos, puis favorise l’innovation en grappe et la reconstruction d’un ordre nouveau.
J’ai donc décidé d’étudier quelles sont les conditions dans lesquelles les artistes évoluent lors de leurs remises en question, pour déboucher vers la création de genres nouveaux, puis faire école. Certaines périodes ont déjà fait l’objet d’études, comme celle de l’entre deux guerres dans les arts plastiques : la révolution que les grands créateurs de cette époque ont entraîné dans le monde de l’Art, mais aussi l’architecture, le design et par extension notre vie quotidienne. J’ai décidé pour ma part de m’attacher à une période plus récente, qui a fait l’objet de moins d’analyse de la part des sociologues, économistes ou experts en management : la révolution musicale populaire des années 60 – 70 aux Etats-Unis et en Europe de l’Ouest. Comment des artistes ont brisé les barrières, inventé de nouveaux modèles et assuré à l’artiste une place comme porte-parole dans la société comme jamais par ailleurs. Et comment l’industrie musicale a du s’adapter à ce véritable chamboulement artistique, en créant de nouveaux repères, de nouvelles mesures.
Culture & innovation
La création artistique se nourrit du chaos. Elle créée elle-même les conditions de sa propre remise en question. Elle vit et se déploie dans l’incertitude et dans le doute. L’artiste est un modèle de détermination, de remise en cause, d’innovation et de gestion critique de carrière. Là où l’innovation génère le chaos dans le processus de « destruction créatrice » cher à Joseph Schumpeter, l’artiste va résister et utiliser le chaos et la rupture à des fins créatives. Il va susciter l’inattendu, tirer partie de l’incertitude. C’est ce que je définirai comme la « destruction créative ». Les arts nous préparent à improviser lorsque des problèmes complexes évoluent en fonction des circonstances et des occasions. Mais également jouer des nuances : les arts agissent avec subtilité et démontrent que les petites différences peuvent produire des effets considérables.
Le travail de l’artiste peut être une source d’inspiration : les artistes nous incitent à développer notre sens poétique et améliorent notre capacité à inspirer et apporter une vision.