Les étapes du processus créatif

Le mathématicien français Henri Poincaré, dans son ouvrage « Science et méthode » paru en 1908, est sans doute le premier à tenter de décrire le processus créatif, en s’attachant au « processus d’invention en mathématiques ». Celui-ci, pour l’auteur, s’effectue selon trois étapes. Il semble débuter par un travail conscient sur un problème, puis cette étape est suivie d’un travail inconscient qui, s’il réussit, aboutit à une « illumination subite ». Une dernière phase de travail conscient vient ensuite pour mettre en œuvre les résultats de cette illumination, en déduire les conséquences immédiates, les ordonner, rédiger les démonstrations, puis les vérifier. Poincaré est un des premiers chercheurs à mettre en avant le rôle de l’inconscient dans le processus créatif.

Sur cette base, le sociologue britannique Graham Wallas propose un modèle de processus créatif en quatre étapes : une préparation mentale (recherche d’informations), une phase d’incubation, une phase d’illumination, quand l’idée créative parvient à la conscience, et enfin une phase de vérification pour tester l’idée une fois élaborée. Wallas indique qu’au cours du processus de résolution créative du problème, on peut revenir aux premières phases. Si une idée montre des imperfections au moment de la vérification, une autre idée pourra émerger pour résoudre cette difficulté. De même, certaines étapes peuvent se chevaucher. La découverte du problème à résoudre nécessite de reconnaitre son existence, en cherchant des failles, des inconsistances, ou des imperfections par rapport à l’état actuel des connaissances dans la discipline concernée. David Sapp va même évoquer la possibilité d’un « moment de frustration créative » entre l’incubation et l’illumination : une personne peut se trouver bloquée ou ne pas réussir à trouver une idée créative au cours de la phase d’incubation. Elle peut alors soit poursuivre, au risque de retomber dans les mêmes impasses, et accepter une solution peu satisfaisante, soit aller plus loin, explorer d’autres possibilités, s’engager dans une nouvelle direction, soit encore reconsidérer le problème.

Ce sont les travaux déjà évoqués de Guildford, à partir des années cinquante, qui offrirent de nouvelles perspectives de réflexion sur le processus créatif (tout en popularisant le terme « creativity »), en centrant la recherche sur les processus clés qui sont mis en œuvre dans la réflexion créative, soit chronologiquement la définition et la redéfinition du problème, la pensée divergente, la synthèse, la réorganisation, l’analyse et l’évaluation. Guildford précise que de cette phase d’évaluation, conformément aux résultats obtenus, pourrait émerger une nouvelle phase de réflexion (via l’obtention de nouvelles informations), qui sera suivie d’une autre étape de production, puis d’une phase d’évaluation, le cycle se poursuivant jusqu’à ce que le travail soit réalisé. Ainsi, selon ce modèle, il existe une progression d’une étape à une autre, ainsi qu’une flexibilité dans l’ordre des différentes phases et une possibilité de revenir plusieurs fois sur telle ou telle étape.

A suivre…

Extrait de « Parfois ça dégénère », par Marc Alvarado, Ed Bookelis, 2020.