Les années soixante. Le monde succombe au rock, l’Europe va se laisser séduire par les guitares électriques. Des fabricants d’instruments traditionnels, guitares acoustiques et même accordéons, vont se lancer dans l’aventure. De nouveaux luthiers vont également faire surface, autant intéressés par la facture instrumentale que par l’électronique et les nouvelles sonorités du rock. Pendant vingt ans, c’est l’âge d’or de la guitare électrique européenne.
Après deux années d’enquête à la rencontre de quelques uns des grands acteurs de l’époque, j’ai décidé de raconter en 2004 l’histoire d’Euroguitars, pays par pays, marque par marque, comme elle n’a encore jamais été racontée. A l’appui, de nombreuses archives originales, et une préface de Tony Zemaitis, le luthier des stars. Cette édition est une mise à jour de 2020. Une contribution essentielle à mes recherches sur le rock des années 1960 – 70.
Le livre a fait l’objet d’un long article-interview dans la revue spécialisée Guitar Part
A la fin des années 1960, la révolution du rock va provoquer une rupture à des fins créatives, et ce faisant, elle va également libérer provisoirement les artistes de la tutelle de l’industrie le temps de créer de nouveaux repères, un nouveau style : la « rock attitude ». Comment des artistes ont-ils brisé les barrières, inventé de nouveaux modèles et construit puis légitimé une place de porte-parole dans la société comme jamais auparavant ? Et comment l’industrie musicale s’est-elle adaptée à ce véritable chamboulement artistique qui a redéfini la place de l’artiste populaire dans la société moderne? Ces créations ont irradié nos vies et laissé des traces indélébiles, non seulement dans la musique, mais plus généralement dans notre société : médias, habillement, posture, langage, littérature, elles ont conditionné le style de vie de nos contemporains. Que reste-t-il de la « rock attitude » ?
« 1969. Le rock et le funk se vendaient comme des petits pains, mis en vitrine à Woodstock. Plus de 400 000 personnes au concert. Autant de gens, ça rend tout le monde fou, et en particulier ceux qui font des disques ». Miles Davis.
Vingt ans avant l’apparition de l’échantillonnage et de la boucle, des artistes aventuriers épris de liberté vont pratiquer le mélange des styles, dans une période sans tabou où le mot révolution n’était pas un vain mot. Les Esprits Libres, ce sont ces artistes qui, au sein de l’industrie musicale, vont lutter contre le conformisme ou contre l’oppression (artistique, commerciale ou politique). L’esprit libre, c’est l’esprit de découverte et de liberté.
« Les Esprits Libres », c’est l’histoire de cette musique qui s’est inventée à la fin des années soixante, quand le public était galvanisé par le vent du changement et porté par le progrès technologique en marche. En 1969, on a marché sur la lune, communié à Woodstock et prêté une oreille attentive aux « nouvelles directions en musique » de Miles Davis. Après Woodstock, une jeune nation s’est dressée, et avec elle, une ère de créativité sans égal s’est ouverte pour des artistes qui vont utiliser leur art pour se libérer, au propre comme au figuré, en Amérique comme en Europe.
La conquête de l’espace
Pendant que Miles Davis, John McLaughlin ou Chick Corea poussaient vers le rock, Jimi Hendrix, Chicago ou Jack Bruce tiraient vers le jazz. Herbie Hancock se dirigeait vers le funk rejoindre Earth, Wind & Fire, issu comme lui du jazz. Joni Mitchell chantait avec Jaco Pastorius et Jeff Beck jammait avec Stevie Wonder. Les maisons de disques n’y comprenaient plus rien, et le public en redemandait. Tout au long de cet ouvrage, nous irons à la rencontre des acteurs majeurs de cette révolution, et nous analyserons, outre les genres musicaux et les œuvres abordées (jazz-rock, jazz-soul, jazz-funk, funk-rock, flamenco-rock, samba-rock, latino-rock, et d’autres encore), le contexte particulier dans lequel ces mélanges ont pu avoir lieu, et les conditions de leur diffusion dans le climat artistique, social et politique de cette vague utopique.
C’est la prise de conscience d’une jeunesse qui ne veut pas se laisser enfermer dans les conventions. C’est une parenthèse enchantée dans l’univers de la création musicale où les artistes vont, l’espace d’un instant, s’installer aux commandes du vaisseau. La conquête débute en 1969, pour quelques années où le goût de l’aventure va primer sur la rente de situation. Et effectivement, cela a rendu pas mal de gens fous…
Le milieu musical international a été durablement bouleversé par la vague d’invasion des groupes britanniques à partir de 1964, puis le mouvement hippie à partir de 1967. En France toutefois, pays conservateur en matière de musique, c’est encore le règne sans partage de la variété en ce début 1968…
En Mai 1968, une vaste remise en cause des valeurs sociétales s’initie en France, sous l’égide de la jeunesse. Parmi ses revendications figure le droit de disposer de structures permettant de produire et diffuser des genres artistiques nouveaux, aux premiers rangs desquels ce que l’on qualifie alors de « pop music ». Mais la révolution de Mai, politisée à outrance et mal comprise, va accoucher d’une déception particulièrement sensible dans le secteur musical.
Génération sacrifiée
La « Chienlit », ce sont ces bataillons de groupes pop français qui vont essayer de relever le défi de la révolution musicale en marche. Sacrifiés par l’industrie du disque, qui préfère distribuer sur le territoire national des groupes anglo-saxons plutôt que de produire des artistes locaux. Sacrifiés par les médias grand public, qui cèderont à la pression gouvernementale anti-hippie et supprimeront de leur antenne tout accès au public. Sacrifiés par les pouvoirs publics qui n’auront de cesse de dénoncer le « mouvement hippie » comme un fauteur de trouble, et interdire l’accès à ses salles et terrains municipaux pour les concerts et autres festivals pop. Dans un tel contexte, la production musicale française pop apparaît comme un miracle, un vestige enfoui que nous souhaitons donner à voir aujourd’hui. “La Chienlit” se veut être un travail quasi ethnologique, en tout cas une approche historique et diablement humaine d’un phénomène oublié et présente aussi un éclairage particulier sur les groupes qui ont fait l’histoire du rock français en cette fin des années soixante comme Ange, Magma, Les Variations, Moving Gelatine Plates, Ame Son, Barricades, Zoo, Martin Circus, Red Noise.